15 déc. 2011

Cours de langue Yanomami

Après une nouvelle longue période de silence, durant laquelle j’ai passé plus de temps en Terre Yanomami qu’en ville, je vais tenter de combler mon retard en vous relatant les évènements survenus ces derniers mois.

Ainsi du 12 au 22 septembre 2011, fut organisé un cours de langue Yanomami dans les locaux de la Secoya à Manaus. Y participa l’équipe au complet, y compris les membres de la coordination et administration. Le cours fut animé par deux Yanomami, l’Agent de Santé Chiquinho du xapono de Pukima Cachoeira et le professeur Vicente de Bicho-Açu.

Ce cours fut l’occasion, pour ma part, de comprendre quelque peu la structure de la langue et d’amplifier mon vocabulaire. De plus, la présence de Chiquinho et Vicente fut révélatrice de l’importance de connaître la culture, la cosmovision et l’histoire d’un peuple afin de pouvoir maitriser une nouvelle langue.

27 mai 2011

Cours de formation pour Leaders Yanomami


Du 20 au 28 avril, eut lieu le 3e cours pour Leaders Yanomami des rivières Marauiá et Demini. Furent invités trois représentants de chaque xapono, Leader traditionnel, AIS et Agent agroflorestal. Durant le voyage, nous avons également invités les Yanomami du Venezuela, proches parents des habitants du Kona. Ils répondirent positivement à notre invitation, faisant un long voyage avant de nous rejoindre. Étaient aussi présents trois représentants des xapono d'Ajuricaba et Komixipiwei de la rivière Demini.

Le cours permit de traiter des thèmes comme l'entrée en fonction de la SESAI, qui selon un récent décret ne sera pas effective avant la fin de l'année, le droit des indigènes et le concept de citoyenneté. Mais il permit surtout d'établir un diagnostic précis de la réalité des Yanomami. Alors que depuis quelques temps déjà, la Secoya constatait un découragement de leurs parts, submergés par les difficultés, perdant toute autonomie face aux programmes paternalistes du gouvernement, le travail accompli durant cette semaine ainsi qu'un bel esprit d'union leur redonna envie de lutter.
Ainsi ils décidèrent de former une commission de trois personnes pour se rendre à Boa Vista et solliciter une réunion avec la personne responsable du District Sanitaire Yanomami. Le but fut de remettre un document dénonçant les graves problèmes de santé du Rio Marauiá et demander la venue urgente des personnes responsables afin qu'elles puissent se rendre compte de la réalité et expliquer de vive voix comment se déroulera la transition entre la FUNASA et la SESAI.

 

Aux dernières nouvelles, la commission présente à Boa Vista n'a rencontré que brièvement la responsable. Celle-ci ne donna aucune information pertinente et ne répondit pas aux sollicitations des Yanomami.

 

Les Leaders Yanomami élaborèrent également un second document afin de dénoncer la situation de travail esclave dont sont confrontés les habitants du xapono d'Ixima. En 1998, 96 Yanomami quittèrent le xapono afin de travailler dans l'extraction de la Piaçaba. Cette dernière année, plusieurs familles sont revenues, témoignant de l'exploitation dont elles ont été victimes, l'engrenage de dettes sans fondements, la vente illégale d'alcool aux indiens, les abus sexuels…Ce document sera remis au Ministère Publique afin de déposer une plainte pénale.

 

Au terme de ce cours, et ce malgré la gravité des situations abordées, je garderai en mémoire certains moments extrêmement forts, comme la nuit de chants et de danses pour donner la bienvenue aux parents du Venezuela, les rires durant les activités récréatives ponctuant le cours et la fête de clôture, symbole de partage et d'union entre les Yanomami.


4 mai 2011

Après avoir passé deux mois en terre indigène yanomami, je suis de retour à Manaus. Suite à une longue période de silence, je vous donne enfin de mes nouvelles afin d’expliquer les prémices du travail d’éducation en santé et relater les divers événements survenus durant ce temps.

Avant de partir, il a été prévu que je passe deux semaines dans quatre xapono (villages) avec les professeurs de la Secoya. Le premier xapono fut Puckima Cachoeira, village que nous avons atteint après deux jours de bateau à moteur. Accompagnée de la professeur Claudia, nous avons dans un premier temps visité chaque famille afin de connaitre la situation de santé du xapono. Rapidement nous avons pu percevoir que de nombreux Yanomami souffraient de problèmes cutanés importants, certaines mères de familles nous ont aussi confiées que leurs enfants avaient la diarrhée. Nous avons aussi constatés que plusieurs femmes étaient enceintes et que rares étaient celles qui acceptaient les contrôles prénataux.

Suite à cette analyse, et après avoir discutés avec les leaders du xapono, nous avons réalisés cinq réunions sur les thèmes de la diarrhée, les parasitoses, la gestion de l’eau, la prévention des problèmes cutanés et les contrôles prénataux. Ce travail fut réellement intéressant. Personnellement j’y ai pris beaucoup de plaisir, essayant de trouver, lors de chaque réunion, des manières ludiques pour aborder ces thèmes.

Après deux semaines, j’ai rejoins la professeur Nina, dans le xapono de Raita. Lors de notre passage en décembre, les Yanomami se trouvaient dans un xapono secondaire, situé à plusieurs heures de marche de la rivière. Maintenant ils sont de retour dans le xapono principal. A Raita, la situation de santé est difficile. Séjournant dans le xapono secondaire, l’accès aux soins était compliqué, le personnel de santé de la FUNASA
restant dans le poste de santé situé près de la rivière. De sérieuses répercutions découlèrent de ce relatif isolement. Du fait du manque de suivi de la croissance des enfants, la quasi-totalité de ceux-ci sont en état de dénutrition. Le problème de dermatose est également impressionnant, certains enfants ayant perdu de nombreux cheveux pour cause de plaies sur le cuir chevelu.

Lors de notre séjour à Raita, les Yanomami étaient particulièrement occupés, construisant un nouveau xapono. De ce fait, nous n’avons pu faire que peu de réunions. Cependant à chaque fois, j’ai été frappée par l’intérêt montré par les Yanomami et leur participation a toujours été forte. Certains moments ont aussi été comiques comme par exemple lorsqu’un leader traditionnel explique, avec grande gestuelle, ce qu’est d’avoir des parasites intestinaux.
Troisième xapono visité, Puckima Beira. Mon séjour dans ce village a été court, quelques jours seulement. Nous avons ensuite rejoint Silvio Cavuscens, coordinateur général de la Secoya, pour un nouveau voyage, ceci afin d’introduire et de préparer un troisième court de formation pour leaders Yanomami, cours qui eu lieu les dernières semaines d’avril. Nous avons ainsi visité huit villages, le plus lointain se situant près de la frontière vénézuélienne. Dans chaque village, nous avons été témoins des nombreuses difficultés vécues par les Yanomami. Dans les postes de santé, le manque de médicaments et de matériel est chronique, le personnel médical n’est que peu présent et non préparé aux réalités du terrain, des épidémies, tel que la gale, sont ignorées et les cas de dénutrition infantile sont extrêmement fréquents.

Ce voyage a permis d’identifier de graves problèmes tant au niveau de la santé, que en ce qui concerne le respect des droits des indigènes. Certaines situations rencontrées ainsi que de nombreux témoignages ont reflétés une grande vulnérabilité des Yanomami. Cependant le court de formation pour les leaders, dont je relaterai le déroulement dans un prochain message, a révélé un fort potentiel d’union et d’organisation entre les xapono. Ceci laisse espérer à plus de droit et de dignité pour le futur.


14 janv. 2011

Le projet d’éducation de la Secoya gagne un prix

Le projet d’éducation de la Secoya a été choisi et élu entre de nombreux autres projets de l’Etat d’Amazonas lors d’un prix organisé par la Cufa, organisation sociale de Rio de Janeiro. La Secoya représente l’Etat d’Amazonas pour la finale qui a lieu en ce moment. Le prix sera attribué par votation publique. Cette votation a lieu en se moment sur internet, sur le site de la Cufa (cufa.org.br).

J’invite toute personne intéressée à visiter ce site. Le vote est ouvert aux brésiliens uniquement. Si la Secoya est élue, ce serait une belle reconnaissance du travail accompli dans les écoles yanomami.

27 déc. 2010

Première incursion en terre indigène Yanomami

Le 19 novembre 2010, avec la coordinatrice du département de l'éducation de la Secoya, nous avons embarqué à bord du Tanaka pour trois jours de voyage sur le Rio Negro, jusqu'à Santa Isabel, ville la plus proche des premières communautés Yanomami.

C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai redécouvert la routine d'un long voyage en bateau : les hamacs suspendus les uns à cotés des autres, le bruit du moteur, les paysages et le forró, musique traditionnelle brésilienne rythmant notre avancée sur la rivière.
Arrivées à Santa Isabel, nous avons acheté les dernières provisions nécessaires pour un mois, ainsi que certains produits permettant le troc avec les Yanomami (fil nylon, hameçons, tabac etc.). En ce qui concerne l'alimentation, les règles de la Secoya sont bien claires. Chacun amène sa nourriture afin de ne pas dépendre des Yanomami, leurs ressources alimentaires étant souvent insuffisantes. Il est interdit d'échanger ou de donner de la nourriture industrialisée, du sucre ou du sel car les Yanomami ne sont pas habitués à notre alimentation et ceci représente un risque important pour leur santé. Il est également interdit par la Constitution d'introduire toute boisson alcoolisée sur les terres indigènes, toute infraction est passible de deux ans de prison.
Accompagnés de deux conducteurs, nous avons poursuivis notre trajet en bateau à moteur sur le Rio Maraúia jusqu'à Bichu Azu, premier village Yanomami avec lequel travaille la Secoya. Le xapono (maison communautaire) abrite deux grandes familles. Le leader de ce village est décédé il y a 7 mois et depuis la vie du village est comme paralysée. Nous sommes arrivés alors que la célébration de deuil se terminait. Toute la communauté était épuisée, la fête ayant durée sept jours. De ce fait, nous ne nous sommes pas attardés, prévoyant de s'arrêter au retour.

Le lendemain, après six heures de bateau, nous sommes arrivés à Ixima. Le trajet est assez éprouvant car il faut passer trois cascades. Il n'est pas rare que des bateaux se renversent, se brisent et des personnes se sont déjà noyées à ces endroits. Ixima est une petite communauté, dont un des leaders, Carlitos, est particulièrement actif au sein de la Secoya. L'accueil dans ce xapono fut extrêmement chaleureux, ceci beaucoup dans le nom verbal, par des sourires, des gestes de sympathie, beaucoup de plaisanteries échangées en langue Yanomami, plaisanteries que malheureusement je ne peux pas encore comprendre.
A Ixima nous avons débuté les réunions avec la communauté, le but de ce voyage étant d'informer les Yanomami sur la suite du projet d'éduction de la Secoya. Ce projet a permis l'implantation d'une école dans chaque xapono, la formation de professeurs Yanomami, le suivi et la supervision des classes par des professeurs napë (personnes non-Yanomami), ceci en promouvant le droit des Yanomami de bénéficier d'une éducation dans leur langue, qui soit respectueuse de leur culture, leur rythme et leurs nécessités. Ce projet se termine et la suite est encore incertaine car la recherche de nouveaux fonds est difficile.

Trois jours plus tard, nous rejoignons un autre village appelé Pukima Beira. Dans ce xapono, nous retrouvons deux professeurs de la Secoya, qui ont pu m'expliquer d avantage leur rôle dans les écoles.

A Pukima Beira, j'ai eu l'occasion de découvrir un aspect important de la culture Yanomami ; les cérémonies de deuil, appelé Reahu. Lors d un décès, parfois plusieurs mois plus tard, comme c était le cas à Bichu Azu, les habitants des xapono voisins sont invités pour la célébration. Comme je n ai assisté qu'à une phase de cette rencontre, je vais me limiter à raconter ce que j ai pu observer, ceci afin de ne pas faire de fausses interprétations où parler seulement des aspects théoriques du Reahu. Dans un premier temps, je n ai pas vraiment compris ce qui ce passait dans le xapono, les Yanomami nous ayant invité pour une fête. Les filles du xapono nous ont peint le corps de couleur rouge, couleur qu'elles obtiennent en frottant dans leurs mains un type de graine (l'urucu), puis nous ont dessiné des motifs sur le visage, les bras et les jambes. Ces motifs peuvent représenter des animaux comme le jaguar, ou avoir une symbolique guerrière. Puis après avoir également mit des plumes dans leurs cheveux ou leurs oreilles, certaines femmes s'étant aussi parées de fleurs dans les cheveux, tout le monde se réunit à l'entrée du xapono. Chacun son tour ou par petit groupe, les Yanomami entrent en dansant et longe le xapono jusqu'à faire un tour complet. Puis tous les participants entrent ensemble, dansant et s'arrêtant devant chaque maison. En queue de fil, les shamans chantant sous l influence de la parica, substance naturelle hallucinogène permettant le contact avec les esprits. Pour terminer le groupe se rapproche du centre, où se trouve une croix chrétienne et danse encore. Puis la foule se disperse, laissant la famille proche pleurer la personne décédée.

Après Pukima, direction Raita. Les habitants ont quittés le village car les terres ne produisaient plus assez de nourriture. Le second xapono se trouve à environ trois heures de marche de la rivière, par un sentier étroit. A Raita, les conditions ne sont pas évidentes. L'eau est une ressource limitée, seul un faible ruisseau passe en dehors du village. Plusieurs enfants semblaient être dénutris et la pâleur des habitants dénonçait un problème chronique d'anémie.

Le manioc est un des aliments de base des Yanomami. A Raita, j ai pu observer les différentes phases de préparation du manioc. Après la cueillette, les femmes pèlent le tubercule, le lave, le râpe, puis peuvent faire trois préparations. Après avoir lavé le manioc râpé, l'eau récupérée, en séchant permet de faire deux types de farines, l'une pour élaborer la tapioca, présenté sous formes de crêpe, l autre préparation est le beju, qui pourrait être comparé à un pain sans levain. Avec le reste de manioc râpé, en le laissant sécher on obtient une troisième forme de farine. Cette farine est consommée en grande quantité au Brésil, accompagnant presque tous les plats.

Dernier village visité avant de redescendre la rivière, Pukima Cachoeira. Le xapono se situe dans une région magnifique. Une cascade marque l'entrée du village et depuis le centre du xapono, on peut observer les collines environnantes. Cependant bien que le cadre soit magnifique, la présence de nombreux petits cafards rompt le charme de cet endroit. C est une véritable invasion, ces bêtes se faufilent partout, dans la nourriture, les sacs, les habits...ils représentent aussi un risque pour la santé, contaminant la nourriture, entrant parfois dans les oreilles des personnes etc. A cause des cafards, des Yanomami ont déjà été contraints d'abandonner et de brûler le xapono.

Nous quittons Pukima Cachoeira après quelques jours, redescendant le Rio Marauia en direction de Bichu Azu, où une ultime réunion sera menée.

De retour à Manaus, je peux enfin prendre un moment pour repenser à ce que j'ai pu voir et vivre durant cette première incursion dans les terres Yanomami. Il me reste beaucoup de questions et d'impressions que je peux que difficilement décrire. J'ai pu entrevoir la place primordiale qu'occupe le shamanisme dans la culture Y
anomami, ainsi que les croyances en des entités mystérieuses, mais ce ne fut qu'un aperçu. De part ma méconnaissance de la culture et de la langue Yanomami, je n ai pas osé poser beaucoup de questions. Au niveau de la santé, les Yanomami font une séparation claire entre « nos maladies » et les leurs, lesquelles découlent toujours d'une cause spirituelle. Cette vision de la maladie, j'espère pouvoir l'approfondir lors de mon prochain voyage. J'ai également eu un aperçu du système de santé indigène, système qui présente de graves lacunes. Dans chaque village, ce trouve un poste de santé où certains médicaments basiques sont distribués. Normalement un technicien infirmier est présent dans chaque xapono. Il travaille avec un agent de santé Yanomami, qui devrait être formé par la FUNASA. Seulement dans la réalité, les postes de santé sont souvent vides, les agents de santé ne reçoivent plus de formation complète, du matériel basique manque et la gestion des situations d'urgence est extrêmement compliquée...Les Yanomami restent totalement isolés et ignorés...

8 nov. 2010

Arrivée au Brésil

Le 29 octobre, encore assommée par le décalage horaire et par une visite express de São Paulo, je redécouvris, au travers d’un hublot, les méandres du grand fleuve Amazone. Cette première image des environs de Manaus est surprenante. Moi qui me souvenais d’un fleuve immense, je fus étonnée par la sécheresse de la région et par les étendues de sables blancs… c’est la fin de la saison sèche et le fleuve paraît être une rivière.

A l’aéroport, je fus accueillie chaleureusement par Silvio Cavuscens, coordinateur de la Secoya, chez qui je vais habiter le temps de trouver un logement.

Les premiers jours en Amazonie furent assez exceptionnels. Comme c’était le weekend de la Toussaint, nous sommes allés quatre jours dans la forêt, à Rio Preto da Eva, une localité située à 80 km de Manaus. Silvio y possède un terrain, avec une belle maison en bois. Une petite rivière coule à côté, où il fait bon se baigner. Et c’est avec un énorme plaisir, que j’ai pu me laisser bercer dans un hamac, par le bruit des toucans et le chant de tout un monde d’oiseaux, d’insectes et de singes…

Une courte excursion dans la forêt me donna un avant goût de ce qui m’attendra lors des visites aux communautés Yanomami. Après une promenade sur des chemins bien entretenus, nous sommes entrés dans l’eau et avons suivi la rivière sur quelques kilomètres, enjambant troncs d’arbres, racines, évitant les fourmis folles et les arbres aux épines urticantes. Si c’était un test de résistance, je crois pouvoir affirmer l’avoir passé, avec l’étonnement du guide !

Les jours suivants, j’ai découverts le siège de la Secoya et une partie de son équipe. Pour me préparer à un premier séjour dans les communautés Yanomami, qui aura lieu dans dix jours déjà, je dois lire de nombreux livres afin d’appréhender la culture et développer une vision critique sur les diverses études faites auparavant. Il m’a aussi été demandé de comprendre rapidement le fonctionnement du système de santé indigène, ce qui se révèle assez complexe.

Cette première semaine s’achève déjà. Etonnement, malgré le fait que mon premier séjour au Brésil date d’il y a dix ans déjà, j’ai l’impression de l’avoir quitté récemment. La langue, la musique, les odeurs et milles souvenirs me reviennent et m’a présence ici me paraît comme évidente…